Peine de mort : la RDC toujours dans l’impasse

Article : Peine de mort : la RDC toujours dans l’impasse
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10 octobre 2016

Peine de mort : la RDC toujours dans l’impasse

Illustration d'une corde de pendaison barrée. Symbole de la lutte contre la peine de de mort. Image : Pixabay
Illustration d’une corde de pendaison barrée. Symbole de la lutte contre la peine de de mort.
Image : Pixabay

Aujourd’hui c’est le 10 octobre 2016, date à laquelle le monde célèbre la journée internationale contre la peine de mort. Nous en sommes à la quatorzième célébration déjà. Mais la bataille est loin d’être remportée. Jusque-là, plusieurs pays peinent encore à abroger la peine de mort. Tel est le cas, notamment, de la RDC qui semble se trouver dans un labyrinthe inextricable quant à l’abolition de la peine de mort sur son territoire. Plusieurs tentatives déjà amorcées, mais aucun résultat satisfaisant. Le grand Congo vacille toujours dans le tourbillon des condamnations à mort. Une situation préoccupante pour plusieurs organisations de Droits humains qui ne cessent de militer dans ce sens.

Il est 17 heures dans la ville de Mbandaka, chef-lieu de la province orientale en République démocratique du Congo. Ce soir-là, 22 février 2016, cinq prévenus se tiennent à la barre dans le tribunal de grande instance de Boende, une localité à l’Est de cette ville. Accusés du meurtre d’un journaliste, les prévenus attendent fermement que leur sort soit scellé alors que les juges s’apprêtent à se prononcer. Quelques minutes plus tard, le verdict tombe : quatre des prévenus sont acquittés mais un est reconnu coupable d’homicide volontaire et il est condamné à la peine de mort par le tribunal. La sentence sonne comme un coup de tonnerre dans les oreilles de différentes organisations de droits de l’homme. Ces dernières militent inlassablement depuis plusieurs années déjà pour l’abolition de la peine de mort en République démocratique du Congo sans y parvenir. Et cette énième condamnation à la peine capitale ne fait que remettre le débat sur la table.

Le sujet est à la fois sensible et marginalisé par la plupart des congolais. Même si on en parle dans plusieurs médias nationaux, la question sur l’abolition ou non de la peine de mort n’intrigue pas vraiment une grande partie de la population congolaise. « Ce serait peut-être à cause du moratoire, qui a suspendu l’exécution des condamnés à mort, que beaucoup ne s’y intéressent pas, estime un activiste de droit de l’homme. Car ils ne savent probablement pas qu’en dépit de ce moratoire, la peine de mort est toujours applicable », ajoute-t-il.

Un moratoire fragile

En effet, il y a plus de dix ans que la République démocratique du Congo n’exécute plus de condamnés à mort en raison d’un moratoire. Ce texte a été décrété en 2003 juste après la mise à mort de quinze personnes condamnées à la peine capitale pour haute trahison. Cela avait été un nouveau souffle pour de nombreuses organisations abolitionnistes qui avaient saisi la balle au bond pour intensifier leurs démarches visant à obtenir l’abolition pure et simple de la peine de mort sur toute l’étendue du territoire congolais. Un combat qu’elles mènent ardemment jusqu’à aujourd’hui car ce moratoire est fragile. Donc il ne met personne à l’abri. « Les autorités congolaises peuvent y mettre fin à tout moment pour reprendre l’exécution des condamnés à mort comme cela a déjà été le cas en 2003 pendant le procès relatif à l’assassinat du Président Laurent Désiré Kabila », s’alarment les membres de la Coalition d’Afrique contre la peine de mort. Cela, d’ailleurs, vient d’être évité encore en septembre dernier quand le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku a proposé au parlement et au gouvernement congolais de suspendre ce moratoire pour « lutter contre la recrudescence de l’insécurité dans la partie Est du pays ». Une tentative qui a mis les abolitionnistes sur le fil du rasoir car la suspension de ce moratoire serait un bâton dans la roue de la lutte visant à supprimer la peine capitale de l’arsenal juridique congolais. D’autant que les efforts déjà consentis jusque-là semblent porter leurs fruits dans la mesure où les juges prononcent de moins en moins la peine de mort depuis l’entrée en vigueur de ce moratoire. Sa suspension serait donc un recul de trop qui risque même de ramener le compteur à zéro en défaveur de la lutte pour l’abolition.

Législation à double tranchant

Dans la classe politique congolaise, le sujet fait également l’objet des débats houleux entre « pro » et « anti ». Plusieurs groupes abolitionnistes ont déjà vainement tenté d’inciter le parlement congolais à légiférer contre la sentence capitale. Une peine qu’ils qualifient d’ « atteinte à la vie humaine » pendant que ceux qui la défendent, trouvent en elle un « effet dissuasif efficace » contre la criminalité.

Face à l’opposition à laquelle ils se confrontent, les deux camps se tournent vers la loi pour essayer de justifier leurs arguments  afin de débloquer la situation mais… sans succès ! La législation congolaise reste, elle aussi, confuse au sujet de la peine de mort. Pendant que les abolitionnistes se réfèrent à l’article 16 de la loi fondamentale qui stipule que « toute personne a droit à la vie et que nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain et dégradant », les partisans de la peine de mort contre-attaquent en arborant l’article 5 du Code pénal qui préconise la mort à la première ligne des peines applicables aux infractions. Les avis continuent de s’entrechoquer, chacun campe sur sa position et la question de la peine de mort en RDC reste, par conséquent, dans son statu quo.

Bien que la lutte s’avère de plus en plus délicate, les abolitionnistes congolais sont loin de baisser les bras. « La question doit demeurer d’une façon permanente sur la table », déclare Jean Claude Katende. Ce dernier est le Président de l’Association Africaine de Défense de Droits de l’Homme (ASADHO). Son organisation est connue par bon nombre de congolais pour son implication dans les questions liées à la protection et à la défense des Droits humains. Vu les campagnes de grandes envergures qu’il organise pour sensibiliser l’opinion publique sur l’importance de l’abolition de la peine de mort en RDC, rien ne sème le doute sur le fait que les abolitionnistes restent déterminés en dépit des entraves auxquelles ils se confrontent. Et la communication reste, à l’heure actuelle, leur arme la plus efficace pour faire bouger les choses.

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Commentaires

Zoe
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Nous n'évoluerons pas assez rapidement dans ce domaine vu les multiples difficultés que nous rencontrons dans les taches les plus simple dans ce pays.
C'est triste mais nous nous battrons jusqu'au bout afin qu'un jour, nos enfant vivent dans un État de Droit.

Will Cleas
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État de droit... ne serait-ce pas une utopie pour les congolais ? :-)