Une campagne électorale sanglante pour des élections qui n’auront pas lieu

Article : Une campagne électorale sanglante pour des élections qui n’auront pas lieu
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25 décembre 2018

Une campagne électorale sanglante pour des élections qui n’auront pas lieu

Une urne après comptage des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

Clôturée le 21 décembre dernier, la campagne électorale en République démocratique du Congo a causé la mort de dix personnes, d’après le bilan fourni par une ONG locale de protection des droits humains. Des personnes tuées pendant des échauffourées qui ont jalonné la tournée, dans plusieurs villes du pays, de Martin Fayulu, Félix Tshisekedi et Ramazani Shadary, trois principaux candidats à la présidentielle.

Les trois challengers à la succession du président sortant, Joseph Kabila, ont péniblement parcouru l’étendue du pays dans le cadre de la campagne électorale pour des élections qui n’ont finalement pas eu lieu le 23 décembre dernier tel qu’attendu.

A deux jours de la date du vote, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé le report des élections au 30 décembre 2018. Soit une semaine après la date prévue par le calendrier électoral. La CENI s’est appuyée entre autres sur l’incendie, qui a ravagé son entrepôt la semaine dernière, pour justifier le report. D’après Corneille Nangaa, président de la commission électorale, le feu aurait détruit un important nombre de matériels électoraux destinés notamment à la ville de Kinshasa. Un nouvel alibi qui remet en cause la volonté du gouvernement congolais, à travers la CENI, d’organiser les élections crédibles afin de permettre une pacifique passation du pouvoir à la tête du pays.

Calendrier obtenu sous pression

Il s’agit d’un troisième report des élections qui devaient, en principe, avoir lieu en 2016. Pour comprendre les vraies raisons qui ont conduit au nouveau retard, il faut analyser le contexte dans lequel le calendrier électoral a été obtenu.

En 2017 pendant que les forces réprimaient, dans le sang, différentes manifestations qui appelaient à la tenue des élections la même année conformément à l’accord du 31 décembre 2016, Corneille Nangaa, président de la commission électorale, réclamait par contre 504 jours, après la fin de l’enrôlement, pour pouvoir organiser les scrutins. La fin de l’enrôlement des électeurs étant intervenue en janvier 2018, ce délai de 504 jours devrait obliger les Congolais à attendre le mois de juin 2019 pour élire un nouveau président. Ce sursis de trop pour Joseph Kabila, dont le mandat a pris fin depuis septembre 2016, avait attisé la tension.

Il fallait l’intervention des Etats-Unis pour calmer les esprits. Dépêchée de façon imminente en RDC, l’ex-ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, avait dû obliger la CENI à publier un calendrier électoral fixant la tenue des élections en 2018. Un mois plus tard, la CENI, sous pression, s’exécute. Elle sort un calendrier, le 5 novembre 2017, qui fixe l’ensemble des scrutins au 23 décembre 2018.

En attendant la dernière goutte…

Le nouveau report des élections a ravivé la tension dans le pays. Au lieu de se révolter, l’opposition a su mettre de l’eau dans son vin, bien que frustrée. C’est avec raison. Car reporter les élections semble être la dernière stratégie du pouvoir face à une opposition déterminée à prendre part aux scrutins en dépit d’un processus électoral bâclé. Ces élections permettraient de tourner la page Kabila pour laquelle de nombreux Congolais ont sacrifié leurs vies.

Mais vu la faible mobilisation de la part de la CENI côté logistique, rien n’assure que les élections auront bien lieu le 30 décembre prochain, telles que reportées. Clairement, la commission électorale pourrait négocier une nouvelle prolongation sous prétexte de permettre à ce que tout soit finalement en ordre. Cet éventuel énième report sera sans doute la dernière goutte qui fera déborder le vase.

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Commentaires

Rijaniaina
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Ça sent le Madagascar bis. A Mada, il n'y a pas de violence pareil mais fraudes massives bien planifiées oui ...