Will Cleas

RDC : En attendant les résultats du vote, place aux rumeurs

Une urne après comptage des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

Martin Fayulu, Félix Tshisekedi et Emmanuel Ramazani Shadary, trois challengers à la succession de Joseph Kabila, retiennent leur souffle après les élections du 30 décembre dernier en République démocratique du Congo. En attendant la proclamation du vainqueur par la Commission électorale (CENI), des spéculations se multiplient sur la suite de ce processus électoral qui retient l’attention du monde entier.

A Kinshasa, notamment, chacun essaie d’imaginer, de sa manière, le scénario qui pourrait se produire après que la CENI aura annoncé les résultats de la présidentielle. Focus sur quelques-unes des rumeurs les plus folles qui se répandent comme une traînée de poudre dans différentes rues de la capitale congolaise.

Un complot en gestation

D’après certaines « bouches autorisées », le Front Commun pour le Congo (FCC), coalition électorale du pouvoir, a entamé des tractations avec le Cap pour le Changement (CACH), l’une de deux puissantes plateformes électorales de l’opposition. Le but serait de convaincre Félix Tshisekedi, candidat du CACH, de « vendre » ses voix obtenues au candidat du pouvoir, Ramazani Shadary, pour que ce dernier soit proclamé vainqueur de la présidentielle par la CENI. Ceci aurait pour objectif d’étouffer la percée fulgurante de Martin Fayulu, candidat de Lamuka, autre plateforme électorale de l’opposition hostile à Joseph Kabila.  Et en guise de récompense, Félix Tshisekedi occupera le poste de Premier ministre dans le nouveau gouvernement. Ensuite Fayulu, déjà soupçonné d’avoir commandité l’incendie de l’entrepôt de la Commission électorale à Kinshasa, juste une semaine avant la tenue des élections, serait incarcéré ou forcé à s’exiler.

« Vers un bain de sang »

D’autres rumeurs accusent le président sortant, Joseph Kabila, de préparer des assassinats ciblés dans le but de revenir aux affaires le plus rapidement possible. La première victime serait Martin Fayulu, l’opposant pressenti vainqueur de dernières élections, d’après les tendances.  Les rumeurs racontent que le meurtre de Fayulu va provoquer des émeutes qui seraient réprimées dans le sang par les forces de l’ordre. Corneille Nangaa, président de la Commission électorale, avec un couteau sous la gorge, serait obligé de proclamer Ramazani Shadary, candidat du pouvoir,  vainqueur de la présidentielle. Celui-ci, ne fera qu’une courte durée à la tête du pays, avant de se faire tuer à son tour par son prédécesseur. Ce qui va permettre à Joseph Kabila de reprendre les commandes de l’État pour un intérim qui n’aura jamais de fin proche.

Scénario à l’ivoirienne…

Il y a aussi des voix qui imaginent l’issue du processus électoral en RDC à peu près de la même façon telle que cela s’est produit en Côte d’Ivoire en 2010 avec le président sortant, Laurent Gbagbo et son rival, Alassan Ouattara. D’après les rumeurs, Corneille Nangaa, président de la Commission électorale (CENI), sous la protection des puissances occidentales, va proclamer l’opposant Martin Fayulu vainqueur de la présidentielle.  La Cour constitutionnelle, réputée proche de Joseph Kabila, va invalider les résultats provisoires de la CENI et va confirmer Ramazani Shadary, candidat du pouvoir, président élu de dernières élections. Il y aurait ensuite un affrontement armé entre les rebelles, soutenus par l’occident, et les troupes de Joseph Kabila. Celui-ci sera finalement capturé et envoyé à la Cour pénale internationale pour être jugé.


Une campagne électorale sanglante pour des élections qui n’auront pas lieu

Une urne après comptage des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

Clôturée le 21 décembre dernier, la campagne électorale en République démocratique du Congo a causé la mort de dix personnes, d’après le bilan fourni par une ONG locale de protection des droits humains. Des personnes tuées pendant des échauffourées qui ont jalonné la tournée, dans plusieurs villes du pays, de Martin Fayulu, Félix Tshisekedi et Ramazani Shadary, trois principaux candidats à la présidentielle.

Les trois challengers à la succession du président sortant, Joseph Kabila, ont péniblement parcouru l’étendue du pays dans le cadre de la campagne électorale pour des élections qui n’ont finalement pas eu lieu le 23 décembre dernier tel qu’attendu.

A deux jours de la date du vote, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé le report des élections au 30 décembre 2018. Soit une semaine après la date prévue par le calendrier électoral. La CENI s’est appuyée entre autres sur l’incendie, qui a ravagé son entrepôt la semaine dernière, pour justifier le report. D’après Corneille Nangaa, président de la commission électorale, le feu aurait détruit un important nombre de matériels électoraux destinés notamment à la ville de Kinshasa. Un nouvel alibi qui remet en cause la volonté du gouvernement congolais, à travers la CENI, d’organiser les élections crédibles afin de permettre une pacifique passation du pouvoir à la tête du pays.

Calendrier obtenu sous pression

Il s’agit d’un troisième report des élections qui devaient, en principe, avoir lieu en 2016. Pour comprendre les vraies raisons qui ont conduit au nouveau retard, il faut analyser le contexte dans lequel le calendrier électoral a été obtenu.

En 2017 pendant que les forces réprimaient, dans le sang, différentes manifestations qui appelaient à la tenue des élections la même année conformément à l’accord du 31 décembre 2016, Corneille Nangaa, président de la commission électorale, réclamait par contre 504 jours, après la fin de l’enrôlement, pour pouvoir organiser les scrutins. La fin de l’enrôlement des électeurs étant intervenue en janvier 2018, ce délai de 504 jours devrait obliger les Congolais à attendre le mois de juin 2019 pour élire un nouveau président. Ce sursis de trop pour Joseph Kabila, dont le mandat a pris fin depuis septembre 2016, avait attisé la tension.

Il fallait l’intervention des Etats-Unis pour calmer les esprits. Dépêchée de façon imminente en RDC, l’ex-ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, avait dû obliger la CENI à publier un calendrier électoral fixant la tenue des élections en 2018. Un mois plus tard, la CENI, sous pression, s’exécute. Elle sort un calendrier, le 5 novembre 2017, qui fixe l’ensemble des scrutins au 23 décembre 2018.

En attendant la dernière goutte…

Le nouveau report des élections a ravivé la tension dans le pays. Au lieu de se révolter, l’opposition a su mettre de l’eau dans son vin, bien que frustrée. C’est avec raison. Car reporter les élections semble être la dernière stratégie du pouvoir face à une opposition déterminée à prendre part aux scrutins en dépit d’un processus électoral bâclé. Ces élections permettraient de tourner la page Kabila pour laquelle de nombreux Congolais ont sacrifié leurs vies.

Mais vu la faible mobilisation de la part de la CENI côté logistique, rien n’assure que les élections auront bien lieu le 30 décembre prochain, telles que reportées. Clairement, la commission électorale pourrait négocier une nouvelle prolongation sous prétexte de permettre à ce que tout soit finalement en ordre. Cet éventuel énième report sera sans doute la dernière goutte qui fera déborder le vase.


Opposition congolaise, des loups qui se mangent entre eux

Caricature d’une opposition divisée face à un candidat commun du pouvoir/ Par Kash pour Actualite.cd

A 12 jours de la tenue des élections, l’opposition se retrouve divisée. Orgueil, trahison et exclusion ont attisé les conflits internes, jusqu’à fragiliser une certaine coalition formée dans l’objectif de vaincre le camp du pouvoir à la prochaine présidentielle.

Une opposition plurielle pour un objectif commun : déboulonner le régime de Kabila à travers les élections du 23 décembre.

Mais dans la mesure où l’opposition est plus divisée que jamais, vaincre le camp du pouvoir aux prochains scrutins parait finalement une mission impossible. Car en face d’elle, il y a un bloc. Les partis au pouvoir se sont tous alignés derrière Ramazani Shadary. Celui-ci est choisi par Joseph Kabila pour porter, à la présidentielle, les couleurs du Front commun pour le Congo (FCC). Plateforme électorale créée par le président sortant dans le but de maintenir la main sur la gestion du pays, en dépit de son exclusion du processus électoral.

Pour mener un combat équilibré, l’opposition devrait également soutenir une candidature commune. « L’union fait la force », dit-on. Une stratégie dont la tentative s’est avérée plutôt suicidaire pour les opposants.

Opposition contre opposition

Réunie à Genève pour désigner un candidat commun, l’opposition congolaise s’est retrouvée fatalement en ordre dispersé. Le choix de Martin Fayulu comme candidat unique n’a pas fait d’unanimité. Le malaise était perceptible après le vote. Aucun mot sur les comptes Twitter de Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, deux grandes figures de l’opposition pressenties comme favoris pour porter le flambeau de l’opposition à la prochaine présidentielle.

Moins de  24 heures après le choix de Fayulu comme candidat unique de l’opposition, Tshisekedi et Kamerhe, frustrés, ont fait volte-face. Ils ont annoncé leur retrait de Lamuka, la coalition de l’opposition à peine créée pour battre celle du pouvoir aux prochaines élections. Tshisekedi et Kamerhe prétendent avoir obéi à leurs bases. Celles-ci auraient désapprouvé le choix de Fayulu comme porteur des couleurs de l’opposition à la prochaine présidentielle.

Mais l’histoire en est une autre, visiblement. Les deux leaders de l’opposition ne pouvaient en aucun cas accepter un choix en dehors de l’un de deux. Ils s’estiment populaires et compétents pour conduire l’opposition aux élections. L’orgueil a primé sur l’intérêt commun. Et leur désolidarisation, après la désignation de Fayulu, a dynamité l’union de l’opposition.

Actuellement Tshisekedi et Kamerhe ont formé une alliance parallèle à celle de Genève conduite par Marytin Fayulu. Les deux coalitions de l’opposition s’affrontent sur fond d’une campagne électorale sans pareil. Cette rivalité des opposants profite largement à Ramazani Shadary qui jouit de la confiance et loyauté de tous les partis réunis au sein de la plateforme dont il est l’unique candidat.


RDC : l’inquiétante implication de l’armée dans le processus électoral

Des militaires habillés en chasuble des agents électoraux avec des camions de l’armée devant le siège de la CENI à Kinshasa
Photo: Ley Uwera

Pour un processus électoral qui peine à convaincre, l’intervention de l’armée ne fait que renforcer les doutes quant à la crédibilité des élections. L’opinion s’interroge notamment sur l’indépendance de la Commission électorale (CENI) quand celle-ci implique les forces armées dans l’organisation des élections.

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Le matin du lundi 29 octobre, la ville de Kinshasa se réveille de bon air. Mais très vite, la population qui fréquente le boulevard du 30 juin, l’une de grandes artères de la capitale congolaise, remarque quelque chose d’inhabituel. Une centaine de camions militaires et des motos de la police s’alignent devant le siège national de la commission électorale nationale indépendante (CENI). Dans une période électorale tendue que traverse le RDC, une telle scène ne passe pas inaperçue. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur ce que peuvent bien faire ces engins de l’armée devant les locaux de la CENI. «C’est juste pour aider à appuyer l’opération de déploiement des matériels électoraux sur l’étendue du territoire national », dit Henri Mova, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, pour tenter de rassurer l’opinion.

L’inquiétude grandit dans la population

Bien que le gouvernement avance des justifications, l’inquiétude au sein de la population ne se dissipe pas. Et c’est avec raison. Dans la mesure où le processus électoral demeure au cœur d’un rapport de force entre la CENI et la population, le coup de main de l’armée dans l’organisation des élections est vu d’un mauvais œil. Ça rappelle la terrible date du 19 septembre 2016, quand le ciel s’était assombri à Kinshasa. L’une des villes où, la police, mal équipée, peinait à maîtriser des manifestants descendus dans la rue pour protester contre le report des élections. Dans cette situation, l’armée avait été le meilleur allié pour sauver la commission électorale et ses installations menacées d’être incendiées par la foule en colère. Appelés en renfort, les militaires avaient réussi à repousser les émeutiers avec des tirs à balle réelle… Bilan : une vingtaine de morts et quelques sièges de partis politiques incendiés.

Élections contestées avant le vote

Près de deux ans après ce drame, l’angoisse refait surface. La collaboration entre l’armée et la commission électorale suscite des interrogations. Les résultats de ces élections sont déjà contestés par une grande partie de la population avant même le vote. Au cœur de la controverse, le maintien de la machine à voter imposée par la commission électorale pour le prochain vote. Un outil contesté par la majorité de Congolais qui y voient un moyen, pour la CENI, de publier les résultats truqués en faveur du pouvoir en place. Personne ne sait encore ce qui va se passer. Mais le fait de voir l’implication de l’armée dans le processus électoral inquiète. Ajouter à cela, le soutien de plusieurs dignitaires de l’armée, notamment celui de l’ancien chef d’État major, Didier Etumba, au candidat président de la coalition au pouvoir. Tout cela rassure de moins en moins sur l’impartialité et la crédibilité des scrutins. Et nombreux sont ceux qui sont persuadés que les résultats de ces élections sortiront du bout du fusil au lieu des urnes.


RDC : cap vers une présidentielle « sur mesure »

Une urne après comptage des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

Dans le cadre de la publication des listes provisoires des candidats aux élections, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a rejeté 6 candidatures sur les 25 réceptionnées pour la prochaine présidentielle. Bien qu’intervenue en retard par rapport aux dates prévues dans le calendrier électoral, cette opération traduit tout de même la «volonté» du gouvernement congolais de conduire le pays vers la présidentielle… mais pas n’importe quelle présidentielle.

Joseph Kabila ne prendra pas part au scrutin présidentiel, censé avoir lieu dans quatre mois (le 23 décembre 2018). Après avoir subi une forte pression, au niveau régional, national et international, le président congolais a fini par renoncer à son intention «inavouée» de briguer un troisième mandat (anticonstitutionnel). A sa place, Kabila désigne Emmanuel Ramazani Shadary, l’un de ses fidèles, comme candidat à la présidentielle pour le Front Commun pour le Congo (FCC), plateforme électorale du pouvoir.

Conscient de l’impopularité et de l’inexpérience de celui qui est considéré comme son dauphin, Joseph Kabila, grâce à la complicité de la CENI, balise le chemin pour une élection présidentielle à la «taille» de son potentiel successeur. Pour cela, en plus de la machine à voter et d’un fichier électoral corrompu, Kabila choisit pour son candidat les challengers qu’il devra affronter dans les bureaux de vote.

Exclusion des poids lourds

Déterminé à revenir déposer sa candidature, Moise Katumbi, l’un des favoris pour la prochaine présidentielle, a été empêché par le gouvernement de regagner son pays. Les autorités congolaises ont réussi à écarter cet opposant exilé de la course à la magistrature suprême, notamment grâce à plusieurs faux procès amorcés à son encontre.

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Moise Katumbi n’est pourtant pas l’unique danger pour le pouvoir. L’ex-détenu de la Cour pénale internationale (CPI), Jean-Pierre Bemba, un autre poids lourd de l’opposition congolaise, a vu lui aussi sa candidature être rejetée par la Commission électorale. Idem pour Antoine Gizenga, autre adversaire de taille pour le dauphin de Kabila, dont la candidature n’a pas été prise en compte par l’organe chargé d’organiser les élections.

Bien qu’ils s’inscrivent dans la logique du processus électoral, les contentieux des candidatures, en cours de traitement à la cour constitutionnelle, sont sans doute une occasion pour Kabila d’éliminer les opposants qui menacent l’élection de son successeur à l’issue de la prochaine présidentielle.

Kabila et la théorie de «reculer pour mieux sauter»

Joseph Kabila sait que la victoire de son regroupement politique à la présidentielle lui profiterait autant qu’à son dauphin. Contraint de renoncer à briguer un nouveau et troisième mandat, Kabila prend du recul en désignant un successeur, ceci, après s’être accroché au fauteuil présidentiel pendant près de deux ans (la fin de son deuxième et dernier mandat date du 19 décembre 2016). Cette longue période d’attente avant d’obtenir (enfin) une date officielle pour l’organisation d’une élection présidentielle est à l’origine d’une énième crise politique et sociétale. Cela s’est soldé par de nombreuses victimes. Certaines d’entre elles ont été tuées lors des marches contre le maintien de Joseph Kabila au pouvoir.

En désignant un successeur, Kabila a réussi à faire baisser la tension et a marqué une pause dans le long bras de fer qui l’opposait à la communauté internationale. Mais rien ne garantit encore son départ. Son dauphin pourrait lui servir de tremplin pour revenir aux affaires dans les prochains jours. C’est ce qu’atteste son attitude lors de ce qui devait être son discours d’adieu au dernier sommet la communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Kabila a terminé son discours avec une petite phrase qui en dit sans doute long : «Je ne vous dis pas au revoir, mais à bientôt », voilà ce qu’a déclaré Joseph Kabila à ses homologues de la SADC le 17 août dernier. Une façon énigmatique de dire qu’il n’est pas encore parti. Il a plutôt reculé… pour mieux sauter.


Comment Kabila se transforme en candidat pour sa propre succession

Le président congolais Joseph Kabila en 2014
Photo: Wikimedia Commons

A cinq mois de la tenue de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), la Majorité présidentielle peine à se choisir un dauphin pour succéder à Joseph Kabila. Ce dernier, conformément à la constitution, n’a plus le droit de briguer un nouveau mandat. Mais, en dépit de tout, le président congolais affûte ses armes, dans son coin, en prélude à la prochaine présidentielle à laquelle il n’est pas censé prendre part.

A l’instar d’autres acteurs politiques congolais, Joseph Kabila se prépare en vue des élections qui auront lieu au mois de décembre 2018. Maintenu jusque-là au fauteuil présidentiel grâce à l’accord de la Saint-Sylvestre, Joseph Kabila continue à entretenir le flou sur son avenir politique.

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Alors que l’opposition congolaise attend de lui la désignation d’un «dauphin» susceptible de porter la candidature de la MP à la présidentielle, Joseph Kabila choisit de nager à contre courant. Début Juin, il a ainsi mis en place le Front Commun pour le Congo (FCC), une gigantesque plateforme électorale qui réunit ses poulains et les opposants prenant part à l’actuel gouvernement de transition autour de lui. Pour celui qui n’est pas censé se représenter à la présidentielle à venir, créer une plateforme électorale, c’est faire comme un boxeur qui garde les poings serrés alors qu’il est exclu de la compétition. Reste à voir si et comment le président congolais arrivera à se glisser dans le ring sous l’œil observateur international.

Kabila, le juge suprême

Conscient qu’il ne pourra pas se maintenir au pouvoir seul, Joseph Kabila prépare, entre autres, l’appareil judiciaire congolais. Celui-ci devra lui servir de contrepoids face à la pression internationale qui menace son règne. Pour ce rôle, la cour constitutionnelle s’avère être le meilleur allié. En effet, déjà en 2016, cet organe chargé d’assurer la primauté effective de la constitution avait autorisé le président congolais de rester au pouvoir au delà de la limite accordée par la Constitution. Composée, cette fois, de cinq fidèles du président congolais, la nouvelle configuration de la cour constitutionnelle, qui s’est réunit au mois de mai dernier, inquiète l’opinion qui s’oppose au troisième mandat de Kabila. Nombreux sont ceux qui redoutent que le président congolais recourt une nouvelle fois à cette cour afin de légitimer sa candidature pour une troisième réélection.

Kabila, l’insaisissable

Face à la communauté internationale qui le presse de plier bagage au terme de la transition en cours, Joseph Kabila joue à la souris. Sachant que l’élection présidentielle arrive à grands pas, le président congolais snobe les diplomates internationaux qui l’appellent à respecter la Constitution et l’accord qui le maintient au pouvoir. La rencontre qui devrait avoir lieu cette semaine entre Joseph Kabila, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, et Moussa Faki, président de la commission de l’Union africaine, a été brusquement annulée par Kinshasa. Il s’agit du troisième rendez-vous manqué après le report du premier, fixé en avril dernier, et celui du deuxième qui était prévu le mois passé. Le président de l’Angola João Lourenço et la diplomate américaine Nikki Haley ont également tenté en vain de rencontrer Joseph Kabila ces derniers jours. A travers cette indisponibilité face à la communauté internationale, le message du président congolais est clair : il n’est pas prêt à céder son trône, quoi qu’on lui dise.

«Kabila hier, aujourd’hui et demain»

Joseph Kabila s’appuie en même temps sur son parti pour préparer l’opinion en vue de son éventuel troisième quinquennat. «Nous étions avec Kabila hier, nous sommes avec lui aujourd’hui et nous serons avec lui demain», s’amusait à dire Ramazani Shadary, secrétaire permanent  du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) dans chaque meeting qu’il tenait lors de sa dernière tournée à travers le pays. Bien qu’ambiguës, ces déclarations de l’ancien ministre de l’Intérieur traduisent les intentions de son chef, celles de se maintenir au pouvoir encore un peu plus longtemps. Clairement, au-delà des élections prévues en décembre prochain. Certes, des interrogations persistent. Mais le suspense va être levé dans deux semaines et demi lors de dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle.


Libération de Bemba, une inquiétante «bonne nouvelle» pour la RDC

L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba à la CPI, ici en juin 2016.
Photo: REUTERS/Michael Kooren via RFI

Poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) a été libéré mardi dernier, quatre jours après son acquittement en appel. Des doutes et des inquiétudes surgissent sur fond des scènes de liesse qui ont eu lieu après la libération de Bemba.

Des questions se posent, essentiellement en ce qui concerne l’impact du retour de Jean-Pierre Bemba sur la situation politique en RDC.

Dans une période où la classe politique s’apprête à prendre part aux élections prévues en décembre prochain, la libération de Jean-Pierre Bemba remet les pendules à l’heure. Président du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), deuxième parti de l’opposition en termes d’influence, Jean-Pierre Bemba constitue à lui-seul un important poids politique capable de faire bouger les lignes.

Dans l’opposition politique congolaise, nombreux sont ceux qui souhaitent profiter de l’expérience et de la popularité du président du MLC pour faire face au pouvoir en place. Dans les rues de Kinshasa, une grande partie de la population congolaise, épuisée par les 17 ans de règne de Kabila, attend également l’arrivée de Bemba comme le retour d’un Messie.

Mais derrière l’image de cet homme qui incarne «la libération» se cache un passé politique assez sulfureux.

Bemba, chef de guerre

Au-delà de l’enthousiasme qu’elle a suscité, la libération de Jean-Pierre Bemba rappelle également les sombres pages de l’histoire politique du pays. Et l’ancien vice-président en partage la responsabilité.

En 1998, lors de la deuxième guerre du Congo, Jean-Pierre Bemba contrôlait le nord de la RDC. Avec la rébellion du MLC, soutenue par l’Ouganda, l’ancien chef de guerre a activement participé au conflit armé. Or celui-ci aurait fait plus 183 000 morts, d’après un bilan établi par la communauté internationale.

En 2002, Jean-Pierre Bemba a prêté main forte au président de la République centrafricaine Ange-Félix Patassé, contre l’avancée du putschiste François Bozizé. Les hommes de Bemba ont ensuite été accusés de vols, de viols et d’autres exactions lors de leur intervention en Centrafrique.

En 2006, des affrontements violents éclatent à Kinshasa à l’issue des premières élections présidentielles. La milice de Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux au premier tour des scrutins, fait alors face aux troupes de son rival Joseph Kabila. Cette guerre de trois jours s’est soldée par la mort d’une vingtaine de personnes et une quarantaine de blessés, d’après le gouvernement de l’époque.

Avec un tel passé sanglant, le retour de Jean-Pierre Bemba sur la scène politique congolaise enchante certes ceux qui souhaitent à tout prix le départ de Joseph Kabila. Mais elle n’augure rien de bon. Que Bemba ou Kabila soit au pouvoir, la stabilité du pays demeure incertaine.


Vers les élections à haut risque en RDC

Une urne après décompte des bulletins dans un centre de vote à Kinshasa, le 28 novembre 2011.
Photo: MONUSCO/ Myriam Asmani depuis Wikimedia Commons

A sept mois de la tenue des élections, le terrain n’est toujours pas déblayé pour garantir des scrutins transparents et apaisés en République démocratique du Congo (RDC). Plusieurs questions divisent encore et le débat s’éternise, notamment, entre les acteurs politiques.

Censées se tenir en novembre 2016, les élections, devant permettre l’alternance pacifique entre Joseph Kabila et son potentiel successeur, peinent à s’organiser. Cette situation est à la base du regain de tension en RDC. Et la sortie du calendrier électoral, le 5 novembre dernier, qui a finalement fixé l’organisation des élections au mois de décembre 2018, est loin de calmer les esprits.

L’opposition politique n’arrête pas d’accuser la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de brouiller la tenue des élections transparentes en faveur du pouvoir. Dans ce contexte de tension politique, les mesures et innovations imposées par la CENI pour les élections prévues en décembre prochain ne font qu’attiser le feu.

Loi électorale

Fortement contestée par une grande partie de l’opposition, la loi électorale a malgré tout été promulguée, le 26 décembre dernier, par le président sortant Joseph Kabila. Parmi les dispositions qui font grincer des dents, il y a la révision à la hausse de la caution électorale. Il s’agit des frais que chaque candidat doit payer pour son admission sur les listes. Avec un montant de 1.600.000 Francs congolais pour postuler à la députation nationale et 160.000.000 de Francs congolais pour une candidature à la présidentielle, la caution électorale actuelle est presque le triple de ce qui a été payé pour les scrutins de 2006 et de 2011. Certains acteurs politiques de l’opposition dénoncent donc «une démocratie de barons». D’après eux, cela exprime la volonté de la Ceni d’exclure les plus démunis des échéances électorales.

La question du seuil de représentativité accentue également la tension pour la période électorale en cours. Cette théorie, qui figure sur l’article 118/2 de la loi électorale, veut que  les partis puissent recueillir au moins 1% des suffrages au niveau national pour être autorisés à siéger. Une aubaine pour la coalition autour de Joseph Kabila, car elle est constituée de différents poids lourds politiques capables d’atteindre le chiffre requis. L’opposition, par contre, juge cette loi discriminatoire. D’après elle, ça ne favorise pas l’éligibilité des candidats indépendants.

Machine à voter

La machine à voter permet à l’électeur de se choisir un candidat à travers un moniteur tactile muni d’une petite imprimante. Cette dernière imprime, après le choix de l’électeur sur l’écran, le bulletin coché à placer ensuite dans l’urne. Cette méthode de vote n’est pas prévue par la loi électorale, ni par le calendrier électoral. Elle est imposée par la Ceni qui justifie son usage par le souci de réduire le coût des opérations électorales. Mais l’opposition soupçonne la Ceni de préparer une fraude massive à travers cet appareil qu’elle qualifie de  «machine à voler ». La Corée du Sud, où cette machine est fabriquée, avait d’ailleurs  mis en garde contre l’usage de cet outil. D’après Séoul, cette machine à voter pourrait mettre en danger la tenue pacifique et ordonnée des élections en RDC. En dépit de tout, la machine à voter est maintenue par la Commission électorale.

Confusion autour des partis et regroupements politiques

La non-prise en compte par le ministère de l’Intérieur de certains partis et regroupements politiques censés concourir aux élections prochaines en RDC envenime la tension. Dans la liste des partis et regroupements politiques autorisés à fonctionner, certaines formations se retrouvent avec des doublons qui portent les mêmes insignes. A l’origine de cet imbroglio, l’allégeance au pouvoir de certains opposants et vice-versa. Notamment à l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), principal parti de l’opposition, certains cadres, exclus pour avoir tendu la main à Joseph Kabila, ont créé leurs partis sous la même dénomination et les mêmes symboles que l’UDPS mais avec des idéologies politiques proches du pouvoir. Cette situation profite à Joseph Kabila dans la mesure où le meilleur moyen d’avoir les mains libres pour gouverner, c’est de semer la discorde parmi ses opposants.

Avec un tel climat de frustrations qui accompagne l’organisation des élections, la RDC encourt le risque d’une crise post-électorale tel que cela a été le cas en 2006 et en 2011.

 


Crise en RDC : la déception de la SADC au sommet de l’Angola

Arrestation brutale en marge d’une manifestation à Kinshasa contre le pouvoir de Joseph Kabila (Photo d’illustration). © AA/Pascla Mulegwa

Les chefs d’États et des gouvernements de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) s’étaient réunis le mardi dernier à Luanda, capitale de l’Angola, notamment pour trouver des solutions sur la crise que traverse la République démocratique du Congo (RDC). Une réunion dont les résolutions n’ont pas correspondu aux attentes de nombreux Congolais.

A l’issue de cette réunion à Luanda, la SADC s’est montrée beaucoup trop complaisante à l’égard de Kinshasa. Notamment en parlant des avancées significatives quant à la résolution de la crise en RDC. Ce qui l’a conduit à renoncer à sa décision de dépêcher un envoyé spécial à Kinshasa pour suivre de près l’évolution de la situation politique qui y prévaut.

Le point de vue de la SADC contraste avec la réalité sur terrain. L’évolution de la situation sociopolitique en RDC va de mal en pis. Malgré la publication du calendrier électoral qui fixe la tenue des élections en décembre prochain, les querelles politiques ne se dissipent pas. Le processus électoral est jalonné de nombreuses irrégularités qui hypothèquent la tenue des élections à la date fixée. L’opposition accuse la Commission électorale (Ceni) de jouer le jeu du pouvoir, notamment en repoussant la tenue des élections censées permettre l’alternance pacifique entre le président sortant Joseph Kabila et son successeur. Sur fond de ce bat : la machine à voter. Outil imposé par la Ceni pour des élections à venir, mais fortement contesté par l’opposition et la communauté internationale. Celles-ci y dénoncent un moyen de truquer les résultats du vote. Entre temps le président Kabila, assis confortablement sur son fauteuil présidentiel, ne manifeste toujours pas la volonté de quitter le pouvoir à l’issue de ces probables élections auxquelles il n’a pas droit de se représenter, tel que la  constitution dispose.

Déception de la SADC

Dans cette spirale de la crise qui secoue le pays, les Congolais et certaines organisations d’appui à la bonne gouvernance espéraient de la SADC une position ferme susceptible de favoriser un dénouement pacifique de la situation politique que traverse la RDC.

«La SADC doit faire preuve de la volonté politique nécessaire pour prendre à bras-le-corps la situation déplorable des droits humains en RDC et appeler les autorités à respecter et à protéger les droits fondamentaux de tous et à faire respecter la Constitution (…)», avait déclaré Amnesty international une semaine avant la réunion de la SADC à Luanda sur la crise en RDC.

Cette déclaration d’Amnesty International est un cri d’alarme face à la dégradation humanitaire et aux nombreuses atteintes aux droits humains consécutives à l’instabilité politique dans le pays. Et la SADC devrait se montrer responsable en optant pour des décisions fermes susceptibles de faire évoluer positivement la situation politique. Contrairement à ce qu’espérait une grande partie de l’opinion tant nationale qu’international, la position de la SADC a malheureusement été un coup de pouce au pouvoir en place qui profite de l’instabilité pour régner aussi longtemps qu’il pourrait.


Conférence des donateurs à Genève : Kinshasa et son honteux boycott

 

Lusenda, territoire de Fizi, Sud-Kivu, RDC: Une femme et son enfant dans le camp des réfugiés burundais de Lusenda.
Photo MONUSCO/Abel Kavanagh, depuis Flickr

La conférence des donateurs pour la République Démocratique du Congo s’est déroulée jeudi 12 avril à Genève en l’absence des autorités congolaises. Celles-ci ont maintenu leur décision de déserter cette messe de levée des fonds en faveur des victimes de la crise humanitaire en RDC. Un boycott teinté d’irrationalité vu que le gouvernement congolais a, finalement, exprimé son souhait de participer à la gestion de la somme collectée à l’issue de cette rencontre dans la capitale de la Suisse.

528 millions de dollars américains. Tel est le montant que l’ONU a réussi à mobiliser pour faire face à la crise humanitaire que traverse la République démocratique du Congo. Soit un tiers seulement de la somme (1,7 milliard) que la communauté internationale espérait collecter pour assister environ 13 millions des Congolais touchés par la crise.

L’échec de cette levée de fonds s’explique généralement par le refus du gouvernement congolais d’y prendre part. Malgré de nombreuses tentatives des diplomates étrangers pour convaincre Kinshasa de participer à cette conférence des donateurs, les autorités congolaises ont décliné l’invitation, accusant l’ONU de dramatiser la situation humanitaire que traverse le pays. Pire, elles ont battu campagne pour influencer d’autres États à boycotter à leur tour la conférence des donateurs à Genève.

Étonnant revirement du gouvernement congolais

A l’issue de la conférence humanitaire en faveur de la RDC, le gouvernement congolais, contre toute attente, n’a pas hésité à retourner sa veste. Par le biais du ministre des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, l’État congolais a exprimé son souhait d’être associé à la gestion de ces fonds issus de la conférence qu’il a pourtant boudée.

Face à cette situation, l’opinion s’interroge : pour valoriser son ego, un gouvernement devrait-il mettre en péril la survie de sa population en quête d’une assistance humanitaire ? Pourquoi avoir rejeté la conférence des donateurs à Genève pour ensuite accepter de participer à la gestion des fonds qui y ont été collectés malgré tout ?

Quoi qu’on dise, la réaction de l’État congolais traduit une attitude irresponsable de ses dirigeants face à la détresse de ceux qu’ils gouvernent.